Gastronomiquement votre
Dix jours de vacances à Nice, peut-être les premières vraies vacances de ma vie, sûrement parce que je prends de l’âge et que cela m’apporte une certaine maturité, de nouveau plaisirs, de nouvelles envies comme celle de redécouvrir le goût, celui des aliments de mon enfance, mis de côté par ce désir qu’ont les ados de faire autrement et réveillé brutalement par l’odeur de la Socca(*) qui cuit quelque part dans une rue du vieux Nice.
Je ferme les yeux et la nostalgie me gagne, je me revois les pieds pataugeant dans la fraîcheur d’une rue récemment lavée, les premiers bruits que fait la rue en s’éveillant à la vie emplissent mes oreilles, une nouvelle journée s’annonce, je cherche des yeux ce que mes narines me crient… Croissants, Pains au chocolat, Socca(*), je me mets à saliver, j’ai envie d’une énorme tasse de café à l’italienne, d’y tremper des tartines découpées dans le sens de la longueur d’une baguette à peine sortie du four et fraîchement grillée, beurrées les tartines (au beurre entier) et couvertes de confiture, envie d’être repue avant d’aller me coucher.
Je dois avouer avoir eu de la chance concernant mon éducation au « bien manger », ma mère adoptive me disait : « On ne peut rien faire de bien, ni bien jouer, ni bien étudier, ni bien dormir si l’on n’a pas bien mangé », et pour bien manger, il faut manger à table et surtout il faut goûter avant de dire que ce n’est pas bon, quant à ma mère d’accueil m’a fait comprendre plus tard que tout ce que l’on fait à des conséquences qu’il faut assumer, à savoir que la nourriture que je mange peut-être le médicament le plus puissant ou la forme de poison la plus lente.
Certaines choses sont devenues instinctives pour moi, comme le fait de me mettre à table, vivre seule pourrait faire penser le contraire. Cependant, j’ai besoin de ça, d’une table bien mise ou rien ne manque : le sel, le poivre, l’huile, le vinaigre, condiments, verre à eau, à vin, pas de télévision, rarement un bouquin parce que j’ai besoin de me concentrer sur toutes les saveurs que j’ai en bouche et sur leurs interactions, même chose avec les odeurs et les textures, je fais pareil au restaurant quand je suis seule et me surprends même à imaginer quel aliment ou condiment ajouter pour améliorer le plat.
J’aime le processus qui se déroule dans mon corps et dans mon esprit, cela va plus loin que le simple fait de manger des aliments et de les digérer, d’autres sens interviennent, tels que la vue ou l’odorat, ce qui me permet de percevoir chaque plat de manière différente, la température, la texture et même la forme me disent à quel point j’apprécie – ou non – un aliment.
C’est là que la mémoire entre en jeu et les différentes émotions qui lui sont associées, souvent devant un certain plat, je me sens envahir par le souvenir des moments où j’ai déjà mangé quelque chose de similaire.
Les aliments me rendent heureuse, je n’y peux rien s’ils favorisent la production de certaines substances, comme les endorphines ou la sérotonine, permettant d’intensifier le bonheur.
Bon appétit !